samedi 14 juillet 2012

Bouddhisme de la Terre Pure en chanson ( aburaya Sanzaemon)

   Voici une chanson de aburaya Sanzaemon, un homme de foi qui habitait dans le village Saijo dans la province d'Iga, au Japon. Si la chanson/poême a certainement perdu beaucoup au niveau stylistique entre l'original japonais et sa traduction anglaise, je pense qu'il en ai de même entre cette dernière et ma traduction personnelle. Cependant, les qualités sur le fond m'ont donné envie de le partager avec vous :


Frappant une cloche ou tapant au tambour afin de m'appeler,
parce que je suis un vagabond dans l'illusion;
Observant les préceptes ou les cassant était  un sujet de préoccupation
pour ceux d'une époque révolue mais pas pour moi.
Aussi brillant, intelligent et cultivé que vous puissiez être
vous n'êtes un porteur de palanquin tordu,
si ignorant de l'après-vie.
Écoutez et Tenez bien compte du Dharma  !
La montagne d'or de l'île de Sado est juste là.
Pour me faire comprendre le Dharma, huit mille fois
Shakyamuni est venu dans ce monde de la peine, pour cet homme  misérable !
Cependant bien que vous puissiez entendre le Dharma, c'est en vain,
Si votre esprit ne l'écoute pas et ne l'accepte pas.
Vous pouvez avoir votre coiffure façonnée comme celle d'un bodhisattva
votre nature de python se dévoilera bientôt.
Les Buddhas compatissants n'ont pas réussi à me sauver.
C'est le Vœu d'Amida seul qui me sauve.
Laissez-nous ne pas prier pour la joie dans cette vie ou s'abstenir 
à cause de signes de malchance, car nous sommes embrassés dans la Lumière d'Amida.
Le nombre de nembutsu ne compte pas,
mais ils viennent à mes lèvres chaque fois que je pense à sa bienveillance.
Laissez nous ne pas oublier, matin et soir, la bienveillance d'Amida
qui à fait de nous de bons auditeurs du Dharma.
Feindre d' avoir bien compris le Dharma et se livrer
à des fantaisies capricieuses est pire que ne pas l'entendre du tout.
Voir les fautes des autres rappelle qu'elles sont votre;
Ce sont les fautes que vous avez commises dans des vies passées.
Que je suis joyeux et que je suis reconnaissant de voir les jours et les mois passer ainsi!
Le temps de ma naissance en terre pure se rapproche.



Amitābha
Sur l'Ile de Sado, préfecture de Niigata, Japon.



Observant les préceptes ou les cassant était  un sujet de préoccupation
pour ceux d'une époque révolue mais pas pour moi.
   Si l'on veut saisir tout l'enseignement que transmit maître Shinran à ses disciples il faut savoir que le premier patriarche de la Jôdo shinshu, tout comme ses prédécesseurs, accordait une place toute particulière aux "Trois âges du Dharma". Communément accepté par les bouddhistes quoique certaines écoles lui accordent moins d'importance que d'autres, les trois âges du Dharma sont les trois périodes suivant la mort physique en ce monde du Buddha Shakyamuni.
1er âge : L'âge du Dharma Véritable (正法-shōbō) : s'étalant sur une durée de 500 ans après la mort physique de Shakyamuni en ce monde, c'est durant cet âge ou l'aura du Buddha Shakyamuni est encore rayonnant et son décès encore récent, que les disciples auront le plus de facilité à pratiquer la méditation et respecter les préceptes:éviter de voler, éviter de tuer...*
2ème âge : L'âge du Dharma apparent (像法 - zōhō). Cet age dure 1000 ans commence après la fin du premier age. On s'écarte par les années de l'existence de Shakyamuni ici bas. Les pratiques Bouddhiques aussi bien que les préceptes prêchés par le Buddha sont appliquées avec de plus en plus de difficultés, que ce soit par les moines/nonnes ou par les laïcs. C'est un âge propice à la construction des temple et des stupas, ces monuments funéraires bouddhiques.
3ème et dernier âge : L'âge du déclin du Dharma ( 末法 - mappō) ou le dernier âge du Dharma s'étend sur 10 000 ans et débute à la fin de l'age du Dharma apparent. Bien que les mots de Shakyamuni existent encore, plus personne n'est capable de les mettre en pratiques. A terme, l'enseignement du Buddha Shakyamuni, disparaitra complètement. C'est en cet âge là que nous nous trouvons. Il est même dit ans un soutra que les moines et nonnes bouddhistes prendront leurs enfants par la main pour faire la tournée des débits d'alcool... 


L'époque révolue dont parle notre auteur aburaya est celle des deux premiers âges. Que les préceptes ne soient pas strictement respectés et que la Terre pure puisse tout de même être accessible étonne beaucoup ceux qui croisent le chemin de la Jôdo Shinshû pour la première fois et cela se comprends d'autant plus dans le cadre judéo-chrétien dont nous sommes habitués. Mais il faut ici bien comprendre que nous nous plaçons ici dans l'optique d'atteindre la naissance dans la Terre Pure du Buddha Lumière illimitée et concernant ce but il n'y a, conformément à son 18ème Vœu, pas d'autre cause que la Foi dans le pouvoir du vœu du d'Amida.
Je reprendrai plus longuement ce sujet dans un autre article mais notons que maitre Rennyo dit dans une de ses lettres :
"...Prenez les lois de l’État comme fondamentales et, donnant priorité aux principes d'humanité et de justice, suivre les usages généralement acceptés..."
Lettre III:12

La montagne d'or de l'île de sado est juste là.
La montagne d'or fait référence à la plus grande et la plus connue des mines d'or du Japon. Elle a été découverte et exploitée en 1601 sur l'ile de Sado, une petite île au nord-ouest de Honshu à 35km des côtes nippones et appartient à la préfecture de Niigata (anciennement Echigo). Notons que l'auteur habitant dans la province d'Iga était éloigné de plusieurs centaines de kilomètre de cette île.
Ce qu'il y a de plus précieux, l'enseignement du Buddha est donc "juste là", accessible en cette vie quelque soit votre sexe, votre âge,votre statut social,votre orientation sexuelle ou même en ayant fait de graves erreurs dans votre vie. Attention, quand je dis accessible en cette vie ce n'est pas devenir un Buddha en cette vie (contrairement aux autres écoles bouddhiques) mais c'est accepter la Foi du Buddha Amida en notre cœur ou l'Assurance de devenir nous même Buddha dès la fin de cette vie et d'en faire bénéficier les êtres.



Pour me faire comprendre le Dharma, huit mille fois
Shakyamuni est venu dans ce monde de la peine, pour cet homme  misérable !
   Nous n'allons pas ici alimenter le débat qui a lieu dans le bouddhisme depuis longtemps. En effet le Bouddha est connu pour avoir enseigné le non-moi ou anatman qui nie l'existence d'une âme qui ne changerai pas et en même temps les récits de ses vies antérieures sont nombreuses et compilée dans les Jatakas. Comment concilier les deux ? C'est une question que nous n'allons pas traiter ici. Tout ce que je dirai c'est que ce soit maître Shinran ou ses prédécesseurs,le cycle des vies-et-des-morts successives étaient évidentes, insérées dans l'enseignement du Buddha. De plus on notera que si une grande partie des écoles Mahayanistes ( du grand véhicule ) admettent ce que l'on appelle par commodités "réincarnation" (même si renaissance** est plus approprié) même si il est vrai que les écoles d'obédience Zen ne semble pas lui accorder d'importance et vont jusqu’à se désintéresser du sujet, notamment dans les sanghas occidentales.
Shakyamuni avant qu'il ne naisse en tant que Siddharta Gautama puis ai atteint l'éveil est revenu un nombre incalculable de fois dans ce monde de la peine (Saha) avant de pouvoir délivrer son enseignement. Ce qu'il y a de plus frappant dans cette phrase est peut-être le passage "pour cet homme misérable" Shakyamuni Buddha s'est réincarné diront nous spécialement pour lui, aburaya Sanzaemon, l'auteur du poème ! Ce vers rappelle cette phrase de Shinran :

"Quand je contemple profondément le Vœu compatissant d'Amida, je réalise qu'il a été fait seulement pour moi Shinran"
Il  y a bien une relation, une rencontre qui se produit entre l'individu dans toute sa condition et le Buddha Amida. De même Shakyamuni est le Buddha de notre monde qui est venu louer le nom d'Amida et nous en à fait prendre connaître l'existence et du pouvoir de ses vœux. Les deux Buddhas sont souvent décrits par les Maîtres de la Tradition comme une Mère et un Père pour le pratiquant de la Foi.



votre nature de python se dévoilera bientôt.
   Cette phrase fait immédiatement penser à un hymne célèbre de maître Shinran tiré de ses Hymnes des âges du Dharma
"Extrêmement difficile est de mettre un terme à notre mauvaise nature;
Cet esprit est comme un serpent venimeux ou un scorpion.
Notre comportement en actes bons est également empoisonné;
Ainsi, cela est appelé pratique fausse et vide." 
Hymne des Ages du Dharma 96 . CWS.

L'hymne précédent est tout aussi incisif envers la nature humaine :
"Chacun de nous, en apparence extérieure,
Montre un spectacle d'être sage, bons et diligent;
Mais si grands sont notre envie, colère, perversité et tromperie,
Que nous sommes remplis de toutes sortes de malices et de ruses."
Hymne des Âges du Dharma 95. CWS.


Les affirmations de Shinran peuvent surprendre, et je vois déjà qu'on l'accuse d'être trop négatif ou de voir "tout en noir", de manquer d’optimisme ou d'être défaitiste.
C'est comme dire que "Toute vie est souffrance" ou autre traduction "Toute vie est insatisfaction" la première des 4 nobles vérités prêchée par le Buddha Shakyamuni, manque d'optimisme et que certaines personnes la rejette en disant que dans la vie nous avons de bons moments, de très bon même, la naissance d'un enfant, la vie en famille, une union de belles rencontres, etc. Il n'est pas question de nier les "bon moments" de la vie : ) mais le Buddha parle ici de la vie d'une manière globale. Et si il dit que la vie est souffrance, ce n'est que le constat, on pose toujours un constat avant de poser...la solution. 
Nous sommes donc loin, nous bouddhistes, à se dire "la vie est souffrance" de s'arrêter à ce stade et de tirer la tronche 365 jours par ans. (même si nous la tirons de temps en temps biens sur : )

Pareil pour ces mots de Shinran qui peuvent paraître négatifs. Nous parlons ici de l'être humain dans sa globalité et vous pouvez vous y opposez en disant par exemple que l'instinct maternelle, la chaleur humaine et  la solidarité et la charité existent en ce monde. N'attendez pas de moi que je dise le contraire : ) Cependant cet amour, ces actes bons (que maître Shinran ne nie pas) sont intrinsèquement liés à notre ego qui fait naître également nos actes mauvais. Et la solution pour les bouddhistes de la Jôdo Shinshû font est de s'en remettre au Bouddha-Sagesse infinie. Ce Buddha possédant la compassion et la bonté illimitées et qui en son champs fera de nous des Buddha. Pas évident à concevoir d'emblée ? C'est compréhensible.
   


Le nombre de nembutsu ne compte pas,
mais ils viennent à mes lèvres chaque fois que je pense à sa bienveillance.
   Le Nembutsu, plus précisément le Nembustsu jaculatoire, Namo Amida Butsu, Je prends refuge dans le Buddha Amida n'est pas une pratique au sens ou ou l'entend habituellement. 
Nous ne prononçons pas le nom du Buddha Amida afin d'obtenir un bienfait spirituel, matériel ou psychologique. Ni pour pour le supplier ni pour le prier d'aller naître en sa Terre Pure.

A vrai dire nous ne prononçons pas par nos propres calculs, nos propres desseins. C'est un remerciement spontané qui vient naturellement aux lèvres de celui dont le cœur de Foi à été éveillé par le cœur sincère du Pouvoir-Autre, Amida. Nous savons dès lors que nous iront naître en sa Terre Pure.


"Merci Amida pour ma naissance en ta Terre Pure!". Concernant le nombre de Nembutsu : Ou est l'intérêt de compter l'expression de sa gratitude ? Le nombre de Nembutsu ne peut donc compter.


                                                               * * *

J'arrête ici pour aujourd’hui mais il n'est pas exclu que je fasse des ajouts un jour..
Bonnes vacances à ceux qui en ont pris !!




_______________________

* Notons que les préceptes bouddhiques peuvent être de cinq ou de plusieurs centaines, suivant la branche a laquelle on se réfère , que l'on soit laïc ou religieux. Mais nous pouvons noter que Saicho, le maitre Tendai qui introduisit l'ordination du Grand Véhicule au Japon comptais dix fautes graves et quarante-huit légères.
Ces dix fautes graves sont : Le meurtre, le vol, les actes sexuels illicites, le mensonge, la flatterie ou le bavardage, la calomnie, la dissension, l'avidité, la colère, l'ignorance ou les vues fausses.

 ** : voir le sutra du Nirvana